La Memoire de Martyrs
Sept ans. N’est-ce pas un age interessant dans la vie d’un individu. Un moment magique dans tant de cultures, qui clot la premiere etape de la vie d’une personne. A sept ans, cette personne est censee avoir developpe une personnalite, quoique embryonnaire, une autorite morale interne qui lui permet de faire la distinction entre le bien et le mal.
Il y a sept ans, a la suite d’une revolte sanglante de la population, tombe le regime militaire de Moussa Traore. 26 mars 1991, la “journee de braise” reste le point tournant de cette Revolution.
Mais, tournons la page a l’an dernier. 26 mars 1997. Qu’avons-nous fait a cette occasion? La veille et le reste de la Journee? Si vous etes comme moi, vraiment pas grand’chose. Quelques references furtives en differents endroits.
Pourquoi, en est-il ainsi? Oui, six ans ce n’est pas l’age le plus elegant. Dire, avec quelle impatience l’on attend la septieme annee. Donc, une celebration est de rigueur cette fois-ci. A sept ans, on a survecu a toutes les mechantes maladies infantiles. On a assez de force pour se tenir debout. On veut grandir et faire partie de la famille. Grandir pour faire les courses, apprendre de nouvelles connaissances, faire des amities, et s’ouvrir au grand monde. Tout ceci est possible a sept ans, le second cycle de la vie.
Nous voici donc sept ans apres, jour pour jour. Les epreuves n’ont pas manque, mais nous avons decroche un sursis a chaque tournant difficile. Le chaos dans notre capitale, les incendies repetes, la violence gratuite, la guerre civile, la desolation, et la fuite de tout espoir pour l’avenir. Nous avons fait face a ce deferlement de mauvaises nouvelles, ce cauchemar imcomprehensible qui nous engouffre de pres. Les rues en feu.
Si nous nous rappellons ou nous sommes a ce moment il y a sept ans…. De loin, les lettres et les coups de telephone qui nous disent que tout brule, qui nous invitent a imaginer seulement notre image televisee de Soweto. Bamako est comme Soweto ou Monrovia. Un endroit ou tout brule, sans raison. Un autre coin embrase d’une Afrique a feu et a sang.Sept ans apres. Il est juste de regarder, de contempler le paysage, d’examiner les visages et les etats d’ame. Quelles lecons devons nous tirer de ces sept premieres annees? Qu’avons-nous gagne? Qu’avons-nous perdu? Mais il ne s’agit pas seulement de faire un bilan. Les bilans s’occupent trop du passe. Comment allons-nous faire face a l’avenir? Que voulons-nous devenir apres sept ans? Disons, si nous avons un rendez-vous a quatorze ans.
Il ne s’agit pas de bilan, mais notre compte rendu du passe, du moment, du Jour du 26 mars, reste une necessite incontournable, si nous voulons comprendre le passe pour le depasser. Et pourtant, il semble que nous avons progressivement perdu la capacite de parler des evenements du 26 mars 1991 sans tomber dans les querelles vicieuses, sans evoquer la “faute” d’une partie ou d’une autre. Cette habitude des dirigeants du mouvement democratique a seme la confusion parmi une population qui, de plus en plus, laisse les details aux commentateurs partisans. Ainsi, notre memoire historique du 26 mars, deja fragile, continue de se fragmenter et se dissiper.
Seulement sept ans. A cote de la pensee reconfortante du progres reel accompli ces dernieres annees, nous continuons de froler le desastre, avec une certaine tendance vers l’exces dans le langage et l’action politiques.
Donc, ce jour de recueillement, nous devons reflechir sur cet etat de fait. Reflechir profondement. Comment ramener la serenite dans notre discours public? Comment pouvons nous mettre derriere nous le spectre de la violence et l’intolerance? Apprendre a resoudre nos differences avec respect et consideration?
Une celebration de la journee du 26 mars qui nous rapproche de cette necessite fondamentale sera un debut remarquable. A cet effet, MaliWatch invite toute notre communaute au recueillement, la reflection, et l’engagement pour plus de Civilite dans notre discours public. Notre aspiration a une vie de Paix et de Justice en depend. Notre survie dans le second cycle exige la fin de l’exclusion et de l’auto-exclusion de la vie politique et legale du Mali.
La memoire des Martyrs.
La souffrance des survivants.
L’avenir des enfants du Mali.
Mohomodou Houssouba
pour la Coordination de l’Initiative mAliWatch